Souvenirs

d’Afrique

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n une seule vie, nous avons la chance d’en vivre de multiples, plus ou moins heureuse, certes, mais cette expérience africaine a profondément marqué la fin de mon adolescence. Il y eut d’abord le service militaire, engager SVSM à 18 ans, pour 18 mois au 43e BIMA de Port-Bouêt à Abidjan en Côte d’Ivoire, du 30 octobre 1979 au 12 janvier 1981. Le lever des couleurs à 7 h, les stages commandos, les stages lagune, a faire le Rambo dans la brousse, ou se faire bouffer par les sangsues dans les marécages, avec 15 kg de paquetage et une AA-52 de 7,5 kg sur le dos, les campagnes de tir à Lomo-Nord avec les missiles anti char SS 10 ENTAC. Faire le tour de la Côte d’Ivoire afin de répertorier les ponts défectueux, l’état des pistes etc.
Le médecin-chef était le plus sollicité dans les petits villages où les infections n’étaient pas rares, la puanteur qui s’échappait au fur et à mesure que le médecin déroulait le pansement sur la cheville d’un enfant ne lui laissait aucun doute, quand je lui posais la question, c’est la gangrène, me répondait-il, nous ne pouvions pas l’emmener à l’hôpital, après avoir nettoyé la plaie, il remettait un nouveau pansement en étant très pessimiste sur l’avenir de sa jambe sans soins quotidiens.

Et puis la vie, en dehors de la caserne, la plage de Grand-Bassam et ses vendeurs
de fruits exotiques, qui n’ont pas leurs pareilles pour vous découper un ananas comme
on mangerait une glace.
Et, obligatoirement les soirées à Treichville, nous allions d’une boite de nuit à l’autre, de la Boulle Noir à la Petite Boulle, à danser une partie de la nuit, sur du reggae, du disco, ou sur des airs plus tropicaux de Rumba Congolo-Zairoise.
J’adorais ressortir de ces ambiances climatisées, feutrées, pour retrouver ces petites rues de terre mal éclairées, et me replonger dans cette chaleur humide, moite, collante, parfois étouffante, pour aller rendre visite à mamie Watta.
C’était une dame qui tenait un petit bouge, une toute petite cour par delà les labyrinthes des ruelles de Treichville, nous trouvions là, un refuge pour boire notre « Flag » la bière locale, et fumer le canabis que nous vendait mamie Wata.
Une nuit, à notre grande surprise, nous avons trouvé notre sergent-chef dans notre royaume, il était seul dans un coin obscur de cette cour, on ne l’aimait pas, à la caserne il était rude, on s’est assis à sa table,
il n’a pas voulu fumer nos pétards, juste partager nos Flag, nous avons parlé longtemps, plusieurs Flag, et il n’a plus été ce connard de sergent-chef. Nous avions pour la plupart d’entre nous, trouvé nos « compagnes » au bout d’un certain temps, après notre arrivée sur le territoire, des filles qui nous ont accompagnés le temps de notre séjour, avec plus ou moins l’espoir de partir en France avec son amoureux, certains militaires ont ramené leurs « Moussos » avec eux.

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es expériences pour certains, qui inoculent le « virus de l’Afrique », pour moi cela fut le cas !
Une envie irrésistible de repartir à l’aventure avec juste un billet sans retour, pour parcourir et ressentir encore l’odeur de la latérite rouge de l’Afrique les jours de pluie. Neuf mois après mon retour d’Abidjan, je prenais un billet aller simple pour Niamey, à bord d’un DC10 d’UTA, j’avais comme adresse une simple boite postale d’une société de transport que tenait Jean, le père de Bruno un camarade du 43e BIMA. Il m’a fallu trois jours pour trouver son domicile dans une rue sans nom.
J’ai fait connaissance avec ce broussard qui avait une trentaine d’années d’Afrique derrière lui.
Il m’emmena dans ses tournées à travers le pays, nous transportions du matériel de chantier jusqu’à Arlit en plein Sahel, puis un jour, aux portes du désert vers Agadez, il me dit, « Si tu veux voir le Sahara, je te laisse là, tu trouveras bien un camion de dattes pour t’y emmener ou bien tu restes, et tu travailles avec moi ».
Depuis tout petit je rêvais de découvrir la région du Hoggar, sentiments lier à ma mère qui me racontait le roman de l’Atlantide de Pierre Benoit, mais j’ai saisie l’opportunité que m’offrait Jean et je suis rentrée avec lui à Niamey.
Il me confia un de ces vieux Berliet TLR 280 jaune que l’on rencontrait sur toutes les pistes Africaine,
je travaillais à faire des rotations de citernes d’eau sur le chantier de bitumage des pistes d’Hamdallaye
à 30 km de Niamey ou à Birni-N’Konni à 400 km à l’est de Niamey à la frontière du Nigéria, en plein soleil en plein coeur du Niger, puis plus tard le transport international entre Niamey et Lomé au Togo.

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lash, était mon fidèle compagnon, un chiot croisé d’un bâtard et d’un Sloughi, il n’avait pas la robe des chiens du désert, il était noir, je l’emmenais partout, petit, il se mettait sous mon siège, quand il fût trop grand il se couchait sur la banquette passagère avec mon apprenti nigérien Faroukou, musulman, Faroukou eut du mal à l’accepter.
Je l’avais ramené en France, ce chien fou du désert, six mois après, il se faisait tuer par une voiture, un jour d’hiver.
En plein Sahel les Autochtones le chassaient quand il s’abreuvait dans une mare d’eau, ou pourtant les boeufs, les chèvres et les chameaux pataugeaient, pissaient et crottaient allègrement, les hommes et leurs religions des fois, c’est à rien ni comprendre !
À Birni-N’Konni à la frontière du Nigéria, on me regardait de travers lorsque je lui achetais deux portions de rata, un mélange de coquillette et de viande bouillie, sa gamelle me coutait 2 francs CFA, donner à mangé à un chien dans ce pays musulman, l’un des plus pauvres du monde, a pu être ressenti comme de la provocation,
ai-je manqué d’empathie ou d’humanité ?
Mais je devais bien le nourrir, la culture européenne et leurs animaux de compagnie, c’est quelque chose que dans d’autres pays on ne comprend pas forcément !
À Birni-N’Konni, je dormais dans une caravane stationnée sur l’aire de la seule station d’essence de la ville, climatisée, bien sûr, mais plus que sommaire en sorte, je me lavais avec un seau d’eau dans un coin douche de la caravane, car les blancs de DTP (Dragage Travaux Publics, rachetés depuis par Bouygues) ne m’autorisaient pas leurs douches contrairement à ceux d’Hamdallaye.
Qu’elle galère tout de même, la jeunesse, le gout de l’aventure, l’Afrique, me faisait accepter n’importe quoi. Malgré tout, le 19 juin 1983, je fêtais mes 22 ans, à Birni-N’Konni, j’offris un verre à l’équipe de DTP, un Chinois tout étonné de mon âge, me demanda pourquoi mes parents m’avaient laissé partir si jeune en Afrique, à conduire des camions sous un soleil de plomb.
Quand nous partions au Togo chercher des containers de fret au port de Lomé nous passions par le Bénin via Malanville, Parakou, Savè, Cotonou, les routes n’étaient pas bitumées, sur la latérite transformée en tôle ondulée une vitesse de 70km / h permet de ne pas être secoué comme un prunier, on a une agréable sensation de voler sur la piste, je pouvais même rouler mes cigarettes sans problème.
J’avais appris à distinguer au loin les nids de poules plus ou moins gros, ils sont remplis de poudreuse une sorte de fechfech un peu plus clair que la latérite, si on avait le malheur de sans prendre un à grande vitesse, c’était le chaos à bord, nous étions alors dans le tambour d’une machine à laver.

Togo N1 la Faille d’Aledjo en 1919
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e retour à Niamey s’effectuait par la RN1, en passant par la célèbre Faille d’Aledjo, cela devenait
« le salaire de la peur », nombres de camions gisaient dans le ravin ou encastré dans la roche au bas de la montagne.
— La traversée de la faille d’Alédjo est une section critique de la RN1. Constituée par un tronçon d’une pente de plus de 10 % sur une longueur d’environ 20 km, elle est la cause principale de graves accidents des camions gros porteurs sur la RN1. (source news.icilome).
Certain chauffeur que l’on appelait les cow-boys, tentaient, pour gagner du temps, de prendre la montagne à grande vitesse, mais avec une charge de 40 tonnes, il arrive un moment, en général entre la 4e et la 3e vitesse, ou l’on ne peut plus rétrograder, la 3e n’arrive pas à s’enclencher, et s’est au point mort, en roue libre que le camion redescend la montagne pour finir dans le ravin.
J’avais pris un chauffeur, Issoufou, durant un voyage, je ne pouvais pas prendre le volant car j’avais acheté mon permis PL à un fonctionnaire des transports de Niamey et je m’étais fait griller.
Convoqué alors dans le bureau du directeur de l’Administration, afin de lui remettre mon faux permis, il me prend de lui proposer que l’on pourrait peut-être s’arranger, « Qu’est-ce que vous essayé de faire Monsieur, savez-vous que le fonctionnaire qui vous à vendu ce faux permis est actuellement emprisonné à Zinder ? » Cela avait le mérite d’être clair, je n’ai pas insisté et passé mon permis comme tout le monde. En regrettant maintenant de ne pas en avoir profité pour passé mon permis moto.

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n jour donc, mon chauffeur, Issoufou à voulu jouer au cow-boy et malgré mes injonctions et mes insultes il voulut attaquer la montagne en 6e grande en espérant pouvoir rétrograder les vitesses sans problème, (sur les vieux Berliet il y avait 12 vitesses, dont 6 vitesses intermédiaires 1re grande, 1re petite, 2e grande, 2e petite, etc. Les petites vitesse se passaient par l’intermédiaire d’un petit levier, comme celui d’un vélo, fixé sous le pommeau du levier de vitesse principal) arrivée au trois quart de Bafilo la 3e grande s’est enclenchée de justesse mais Faroukou n’avait pas graissé la pompe à eau, le camion chauffait de plus en plus, à 120° n’y tenant plus, je dis à Issoufou qu’a mon signal il actionne tous les freins disponibles : freins remorque, frein à main et pédalier, je descendis du camion en marche avec une des grosses cales triangulaires en bois que nous avions toujours à bord, au moment précis ou je plaçais la cale sous la roue du tracteur j’ai gueulé à Faroukou qui donna le signal à Issoufou d’activer les freins et le camion stoppa ses 40 tonnes dans un vacarme d’air comprimé.

Togo N1 – Après le passage de la Faille Aledjo 1983

J’ai eu très peur, je n’arrêtais pas d’engueuler Faroukou et Issoufou, mais j’étais soulagé.
Après avoir graissé la pompe à eau, remplis le radiateur et le système d’eau, j’ai repris le volant, car si la monté d’Aledjo peut être catastrophique, la descente l’ai tout autant, car là, à trop grande vitesse ce sont les freins qui lâchent. Comme me l’avais appris ce vieux broussard de Jean, le seul moyen d’attaquer la montagne en toute sécurité c’était de faire la monter et la descente en première, en attachant le levier de vitesse au tableau de bord avec un bon tendeur pour que la vitesse ne se désenclenche pas, cela durait bien 2 h pour faire les 20 km, mais cette solution était la plus sage, c’est ce que je faisais, en me signant à chaque fois.
Ma première rencontre avec Dieux s’est produite là ! lors de ma première monté, versant Bafilo.
À Naboulgou, à environ 160 km au nord de Bafilo au poste de contrôle de l’entrée du parc national de la Kéran, les gardes nous donnaient un papier indiquant l’heure de notre entrée dans le parc que nous devions remettre au poste de contrôle de Mango, à la limite de la réserve la vitesse était limitée de jour à 50 km / h pour les VL et 40 km / h pour les PL, et respectivement 40 km / h et 30 km / h la nuit. L’amende était de 25 000 F CFA si l’on arrivait en avance sur le temps imparti pour la traversée de la réserve, les gardes vérifiaient également les traces de sang sur les pneus du camion.
Durant la saison des pluies, la route se couvrait de milliers de grenouilles et crapauds en migrations, il était impossible de ne pas en écraser, cela justifiait encore un bakchiche de 500 ou 1000 Francs CFA.
Cela se passait dans les années 1983 / 1984, les mises en garde craintives de Faroukou, d’essayer de ne pas avoir trop de sang sur les pneus ne m’ont pas interpellé plus que cela à l’époque, je ne faisais que passer, je ne me suis pas rendu compte des drames que vivaient les gens de cette région, aujourd’hui je comprends la peur qu’avait Faroukou.
Depuis quelques années les habitants se révoltent, la cohabitation avec la faune sauvage ne semble pas aller de soi.
(À lire : togo-online – politique-africaine – persee).

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es périodes de galères, des moments où l’on se perd, il y en a eu bien sûr, des crises de malaria à n’en plus finir. À Lomé, je suis resté trois jours dans le coma à délirer en implorant ma mère de ne pas mourir, Peeta un ami allemand me réveillait pour me faire prendre cinq ou six nivaquines par jour.
Être tombé une nuit lors d’un stage commando militaire dans un fossé infesté de Fourmis Magnan reste gravé dans ma mémoire, le temps de me relever, que des centaines de morsures me brûlaient tout le corps (certaines ethnies les utilisent comme points de suture, on utilise un soldat Magnan auquel on fait mordre la peau de chaque côté de la coupure et on lui coupe la tête, cette dernière restera en place en maintenant la plaie fermée jusqu’à la cicatrisation… source : www.insectes.org)
Passer la nuit dans la réserve naturelle de la Comoé en Côte d’Ivoire (strictement interdit) en entendant au loin le barrissement des éléphants me semblait une idée plutôt sympathique, mais la faune sauvage attire tellement d’insectes de toutes sortent, moustiques, taons, mouches tsétsés, etc. Que les nuits en deviennent insupportables.
Un soir que je regagnais un hôtel minable, je passais devant une station d’essence Texaco qui éteignait un à un ses néons, les paroles de Bernard Lavilliers m’envahirent immédiatement l’esprit , c’était devenu ma chanson fétiche, avec en prime les cafards de cette chambre d’hôtel.
« Les pales du ventilateur coupent tranche à tranche l’air épais comme du manioc
Le dernier Texaco vient de fermer ses portes
Y a guère que les moustiques pour m’aimer de la sorte
Et leurs baisers sanglants m’empêchent de dormir
Bien fait pour ma gueule ! J’aurais pas dû venir… »
Mais à 20 ans on n’a pas peur, surtout pas des moustiques.
Ça sert à ça avoir 20 ans, être le plus beau, le plus fort et n’avoir peur de rien, ou presque !

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20 ans, je pensais qu’après avoir vécu moult péripéties africaines, j’étais suffisamment forgé pour affronter toutes les épreuves de la vie.
Mais après l’Afrique, une autre vie m’attendait, satisfaisant pleinement ma soif d’indépendance et de liberté.
Pour cela, je devais quitter ma province pour Paris, mais je me suis vite rendu compte que Paris était une autre jungle, et que mes expériences africaines ici ne me serviraient à rien.

Service militaire – 1979/80 – 43e BIMA Port-bouêt, Côte d’Ivoire.
Togo N1 entre la faille d’Aledjo et Bafilo – Faille Aledjo 1983/84

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